Et si faire des activités de vieux était devenu un truc de jeunes ?


Pendant que Jeff Bezos finance la recherche antiâge et vise un young forever, de jeunes gens aiment se définir comme de vieilles âmes depuis qu’ils ont découvert les vertus relaxantes du tricot et de la poterie pendant les confinements. Tous les jours, le plan-plan développe de nouvelles tendances, largement portées par TikTok, le réseau social de prédilection des adolescents, où les vidéos de pêche #fishing cumulent plus de 94 milliards de vues et #birding (observer les oiseaux) plus de 136 millions. « C’est le jeunisme qui est ringard », comme l’a si bien dit Michel Drucker, il y a déjà quatre ans.

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Ralentir. Un remède à l’urgence quotidienne ? Le début de la dépression ? Le trait d’une génération ramollo ? A l’heure où n’importe qui peut se faire livrer du cannabis en vingt minutes en contactant son dealeur sur WhatsApp et débrider sa trottinette électrique pour foncer à 100 kilomètres à l’heure, les rebelles ont changé de camp. Zendaya, l’ex-bébé Disney devenue créature Marvel, revendique les soirées tranquilles devant la télévision – « Un anniversaire surprise à Las Vegas, un cauchemar ! », formule-t-elle. Se pâmer au rayon tisanes, se laver au gant de toilette ou jouer à la belote apparaissent comme les derniers actes subversifs.

« Cette forme de résistance n’est pas nouvelle, explique Fanny Parise, anthropologue et autrice des Enfants gâtés. Anthropologie du mythe du capitalisme responsable (Payot, 2022). Elle est liée à la montée de la psycho-spiritualité [la quête de soi et du bonheur, qui passe par le développement et l’épanouissement personnels], identifiée dès les années 1980 dans les sociétés occidentales hyperindividualistes. Elle conduit à ce qu’on appelle en sociologie des “pratiques de réassurance”. Le tricot comme le Scrabble sont des activités où on a l’impression de tout maîtriser, car leur savoir-faire s’inscrit dans une tradition. »

Faire par soi-même

La menace d’une apocalypse climatique a fini par réveiller chez les plus jeunes un sens pratique ancestral que le numérique avait endormi. « Je ne voudrais pas me retrouver dans une forêt sans pouvoir reconnaître les plantes et les champignons pour me nourrir, confie Sarah R., 31 ans, employée dans une société de marketing. Mes grands-parents sont issus du terroir normand. Ils étaient plus connectés à la terre, ce qui les rendait plus sereins. » La jeune femme suit leur modèle : elle s’astreint à faire le plus de choses possibles par elle-même, à commencer par la cueillette, pour pouvoir se débrouiller toute seule en cas de force majeure. Horrifiée par la variété disponible de pasta boxes, elle cuisine tous les dimanches un plat des familles (poule au pot, joue de bœuf ou brandade de morue) et dispatche sa tambouille dans des récipients, en verre de préférence – « pas des bentos » – pour toute la semaine. Bref, elle s’adonne au batch cooking. « Avec mes copines, on adore les astuces de grands-mères. On s’appelle la “team bobonnes” et on est devenues spécialistes du bicarbonate de soude… Aucune tache ne nous résiste », ajoute-t-elle.

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